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Exposé Intégral |
F / Conclusion Je souhaiterais terminer cette petite incursion dans les méandres de l’esprit en expliquant les raisons qui m’ont poussé à y conduire mes lecteurs. Il sera également pour moi l’heure d’abandonner la plume. Il est certain tout d’abord que nous n’avons pas là affaire à une méthode de type pédagogique. Tout d’abord parce qu’elle ne repose pas sur une technique de type persuasive mais comportementale et qu’elle ne recourt pas à proprement parler à des supports pédagogiques, la notion d’objectifs pédagogiques y étant quant à elle inapplicable. Ensuite parce qu’elle n’agit – nécessairement – pas directement sur les attitudes, c’est à dire sur les idées, croyances et idéologies, mais directement sur les comportements, la modification des attitudes se faisant d’elle-même. Il est bien évident que le procédé a pour le profane quelque chose de choquant, puisqu’il ne s’apparente ni plus ni moins qu’à une manipulation. Or, pour les éducateurs que nous sommes ou que nous souhaiterions devenir, il est tout à fait inconcevable de songer à utiliser de tels procédés. Il se trouve d’ailleurs que quelques corps peu ou prou mal intentionnés en font couramment exercice, bien souvent au nom de la liberté ou des valeurs démocratiques auxquelles nous sommes les plus fortement et amoureusement attachés. Il est donc je pense hautement nécessaire de s’intéresser à ce savoir et à ces techniques, et d’en diffuser la connaissance du fonctionnement et de l’existence, et ce pour le bien public. C’est une première chose. Il me semble également que l’on puisse prendre le problème à l’envers. Je trouve personnellement choquant qu’il soit nécessaire de recourir à de telles techniques pour obtenir de la part de personnes adultes, sensément intelligentes, rationnelles, et qui plus est préoccupées par le bien public, des comportements aussi élémentaires et aussi peu coûteux que d’abaisser un interrupteur lorsque l’on quitte une pièce ou d’éteindre un radiateur avant d’ouvrir une fenêtre. Ce n’est quand même pas demander beaucoup. Or, il s’avère que la pédagogie, non plus traditionnelle mais de type constructiviste ou environnementale se voit souvent obligée de débloquer une quantité incroyable de moyens, de bonnes volontés et d’ingéniosité, pour un travail qui, non seulement s’effectuera sur trois générations, mais qui en plus ne fournira ses premiers résultats statistiques, et donc mesurables, que d’ici environ un siècle. C’est autant dire que nous effectuons quelque part – ne nous en déplaise – un pari. Pour autant ce pari est-il néanmoins calculé et avons-nous toutes les raisons de penser que, progressivement, les jeunes générations grandiront dans une culture de l’eau qu’ils transmettront probablement à leur tour. Nous pouvons même déjà constater des résultats tangibles portant notamment sur des actions de proximité et dépassant le clivage "classique" et rationnel entre adultes et enfants. Au-delà pouvons-nous parler d’une prise de conscience sociale. Mais ne devrions-nous pas nous interroger sur la question de savoir quel type d’actions est le plus efficace ? Il me semble que les démarches pédagogiques de proximité, telles qu’elles ont pu être mises en œuvre à Lorient ou ailleurs, sont parfaitement adaptées à notre contexte historique, culturel et sociologique, et que l’on ne pourrait donc qu’être gagnant en soutenant leur développement. Elles permettent en effet de fournir un appui, je le pense, considérable aux actions menées avec les groupes et avec les enfants car elles ne laissent pas l’adulte, et plus largement l’individu, ou même l’individu citoyen, de côté. L’apprentissage de la culture doit être selon moi autant collectif qu’individuel, ne serait-ce que parce qu’une culture est autant collective que personnelle. Se concentrer par conséquence exclusivement sur les groupes et sur les enfants, bien que j’y souscrive en partie, est à mon avis une erreur, elle aussi pour partie. J’ai en effet beaucoup de mal à me convaincre complètement que l’adulte soit un individu si fermé qu’il doive être ignoré de la pédagogie. J’ai autant de mal à penser que l’individu, quel que soit son âge ou sa catégorie sociale, soit moins intelligent lorsqu’il est seul que lorsqu’il est pris en groupe. Si l’on entend rendre le citoyen autonome, impliqué, et responsable à l’égard de lui-même, des autres, et de son écosystème, je pense qu’il nous faut trouver là une plus juste mesure. Je suis personnellement très attaché à l’idée selon laquelle l’éducation relative à l’environnement et au respect de l’eau puisse porter en elle les germes d’une nouvelle place de l’individu humain parmi ses semblables et dans son Environnement. Qu’ai-je vu au cours de ces mois de recherches ? J’ai vu des gens s’interroger sur le devenir commun, travailler et redoubler d’efforts pour révéler à d’autres le sens du mot "vie" et leur transmettre les valeurs les plus humanistes. Mais si la cause est des plus nobles elle n’est certes pas gagnée d’avance et toutes les initiatives sont les bienvenues. Je dirais même qu’il est plus que nécessaire de ne plus seulement s’en tenir à des discours démagogiques et auto satisfaisant, et d’unir réellement les multiples disciplines qui font notre richesse intellectuelle, ainsi que les multiples talents qui font notre richesse culturelle au service de ce projet d’envergure. Le monde est aujourd’hui planétaire et il continuera à tourner que nous le suivions ou pas. Pluridisciplinarité et transversalité sont désormais essentiels, l’ouverture d’esprit et la curiosité qu’elle soit scientifique ou réflexive également. Il convient aussi d’apprendre à se servir de nouveaux outils et d’apprendre à les maîtriser pour nous garder toujours, autant que cela soit possible, des dérapages et des détournements. L’homme ne peut prétendre à la liberté et au non-asservissement technologique ou économique s’il ne devient lui-même autonome et responsable. Lorsqu’il se trouve en face d’un nouvel outil, il lui faut d’abord s’interroger sur la façon dont il peut s’en servir et dans quel but, avant de se réjouir de sa seule possession. Il ne doit plus confondre fins et moyens. Lorsque j’ai commencé à réfléchir sur l’éventualité d’un changement des comportements dans une perspective de développement durable j’ai donc souhaité connaître les processus régissant ces derniers. Si je ne puis prétendre maîtriser le sujet il me semble pouvoir affirmer que son apprentissage par l’éducation environnementale pourrait fournir à celle-ci un outil supplémentaire. Je crois à la vérité qu’il pourrait appuyer certaines actions pédagogiques de proximité et se concentrer par des interventions ponctuelles, telles qu’il en existe déjà, sur des questions concrètes et "immédiatement" problématiques. Je crois aussi qu’il est plus sage de le cantonner à cela. N’aurions-nous pas tort finalement de nous priver d’utiliser pour le bien public un outil dont on a pu se servir pour des profits particuliers parfois, il est vrai, plus ou moins douteux ? L’équilibre sera dans la mesure et dans la maîtrise, la liberté dans la connaissance et dans la veille. Je laisse donc le débat ouvert. Car, et ce sera ma conclusion générale, l’éducation qu’elle soit environnementale, relative au respect de l’eau, ou relative à la condition humaine, ne peut avoir pour seul but que l’épanouissement de l’être humain et il faut donc nous garder de toute possibilité d’endoctrinement ou de détournement individuel comme collectif. Que ne pourrait-on faire-faire à l’individu sous prétexte de respect de l’environnement ? Que ne pourrait-on lui faire croire ? Seule une éducation complète, utile, réfléchie, peut désormais lui permettre de s’élever et de ne plus laisser le monde lui échapper. Si cette éducation me paraît devoir être pluridisciplinaire, à la fois sectorielle et systémique, elle me paraît également devoir être plurielle. Nous avons la chance en France comme dans d’autres pays d’être viscéralement attachés à un certain nombre de valeurs qui ont fait la grandeur de notre culture et qui lui ont permis de nous valoir la réputation de "Pays des Droits de l’Homme". Parmi elles est la liberté d’expression de nos idées, de nos conceptions, de ce que nous croyons être bon pour le Commun. L’éducation du public relative au respect de l’eau et de l’environnement ne peut donc que s’y raccrocher. Je ne puis en conséquence que me réjouir d’avoir croisé et rencontré physiquement, par téléphone, ou virtuellement par Internet un si grand nombre de gens si différents mais tous dévoués à un projet humaniste. Ne trouvant pas de meilleurs mots pour reformuler cette idée qui m’est si chère, je reprendrai donc ceux que j’ai pu écrire un peu plus haut et mettrai un point final à cet exposé en disant qu’une telle pluralité d’acteurs, de disciplines, d’approches et de méthodes, si elle ne favorise pas l’action coordonnée, nous protège d’un péril autrement plus grave, celui de n’entendre qu’une seule voix.
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