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2 / L’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse a quant à elle pour cibles prioritaires pas moins de 16800 établissements scolaires allant de la maternelle au lycée.

Les trois premiers documents que je commenterai sont adressés au primaire. Les deux premiers ne m’ont pas semblé appeler de remarques particulières, je ne m’y attarderai donc pas.

La plaquette "Connaître l’eau c’est connaître la vie" comporte des explications claires et complètes, agrémentées de chiffres et d’un sur-lignage des termes essentiels. Ses couleurs sont neutres et elle est illustrée au moyen de dessins comme de photographies. Un cycle de l’eau figure sur son verso. Un défaut peut être : un recto qui n’est pas assez aéré.

"Ma planète bleue" offre une présentation schématique et résumée du cycle de l’eau, de ses états, de son usage domestique et de la menace qu’elle encourt. L’effort est mis sur la forme du document qui se présente comme un dépliant cartonné s’ouvrant et se lisant de haut en bas. Destiné au primaire cet aspect "gadget[1]" le rend séduisant. Il me paraît toutefois privilégier la forme au fond. Je pense qu’il faille considérer ce type de document comme une invitation pour le maître d’école à aller plus loin.

"Les Aventures de River Jack" abordent en revanche le thème de l’eau au travers d’une personnalisation très originale : celle d’un narrateur, mais pas n’importe lequel !

Comme son patronyme aurait pu l’indiquer River Jack n’est pas un cow-boy qui fait traverser son troupeau dans la Durance en chantant Red River Valley, mais un super-héros ! Vêtu de  blanc et de bleu, il n’est d’ailleurs pas sans rappeler son confrère outre atlantique le Capitaine Planète à ceci près que ce dernier possède une peau bleue ce qui en fait un extra-terrestre. On peut en passant se demander pourquoi les américains ont choisi un personnage non humain pour symboliser la défense de l’environnement. Considèrent-ils que les hommes sont incapables de s’impliquer et qu’ils ont besoin d’un référent moral extérieur – un peu comme Superman le fût dans les années 30 alors que la crise économique déstabilisait les Etats Unis – ou bien ont-ils créé un homme bleu pour symboliser indirectement toutes les couleurs de notre humanité ou même et plus vraisemblablement celle de la planète… bleue ?

Quoi qu’il en soit notre River Jack est un être apparemment humain mais pas comme vous et moi : il porte un masque, il porte un costume et il se déplace en volant (au moyen d’un flotteur magique) au dessus d’un décor semi-réaliste où coexistent harmonieusement la verte campagne et les installations urbaines. Les principales couleurs du document sont le vert, le blanc et le bleu ciel. Je ne vous ferais pas l’offense de commenter l’utilisation du vert mais notons toutefois que c’est une couleur qui favorise le repos de la rétine et confère à un dessin un caractère agréable à regarder, ce qui peut être intéressant lorsque l’on cherche à obtenir une adhésion.

L’utilisation du blanc et du bleu ciel, couleurs qui bien évidemment ne manquent pas d’évoquer l’eau et la notion de pureté, sont également me semble t’il couramment utilisées en bande dessinée et en cinématographie pour symboliser la technologie et le progrès dans leurs aspects positifs, c’est à dire dans ce qu’ils peuvent apporter à l’homme d’équipements ou de confort. Elles induisent l’idée d’une modernité propre, brillante, plaisante à l’œil. L’utilisation de couleurs foncées ou grisâtres provoquent au contraire un sentiment de rejet et induisent l’idée d’une modernité néfaste, accablante et triste.

River Jack est donc un super-héros coloré et il s’exprime de façon simple au travers de majuscules d’imprimerie ce qui renforce avec le dessin semi-réaliste et les couleurs de son costume l’impression photographique dans notre cerveau d’une technologie progressiste et bienveillante à notre égard. De plus, même s’il ne manque pas de dégager une impression de puissance, puisqu’il est – magnifiquement – dessiné sur des plans larges, il n’occupe cependant pas l’essentiel de ses planches et ne vole donc pas à l’eau sa place de vedette. Au contraire il la montre, la décrit et de par sa gestuelle ou ses déplacements se pose comme son hérault.

En fait notre "super-sonnage" associe ou réconcilie (en admettant qu’il en ait été besoin) les notions de progrès et de respect de la ressource et nous offre dans un document assez luxueux[2] et sans nul doute très agréable à lire une vision positive et valorisante de la ressource, propre je le crois à nous la faire aimer. L’eau y apparaît comme une substance belle et bénéfique qu’une technologie humaine peut protéger et mettre à notre disposition. Il est donc à mon sens une réussite.

Il est néanmoins un paradoxe naturel à l’œuvre : s’il humanise la rivière et valorise indirectement les scientifiques et les ingénieurs, River Jack ne laisse qu’une place très insuffisante au public. Ce dernier n’apparaît en effet que trop rarement, et n’est seulement représenté qu'en tant que figurant, et jamais comme acteur. Dans "la Station d’épuration" il se présente comme le  conducteur du camion venu récupérer des boues d’épuration pour leur épandage.

Illustré par un petit bonhomme sans visage, ventru, les mains dans les poches, fumant pipe et portant béret, il est la représentation typique quelque peu caricaturale et encore trop présente dans l'imagerie populaire d’un paysan "à l’ancienne". Les exploitants agricoles sont en effet aujourd'hui plus qu'hier des chefs d'entreprises – ou du moins devraient-ils tous l'être – avec l'ensemble des compétences et préoccupations de gestionnaires que cela implique. L'image décrite ici pour autant qu'elle se rencontre encore dans la réalité, ne tient pas compte de cette toute autre réalité économique. Donc, elle étiquette…

Dans "la Vie du cours d’eau" le public est en revanche représenté par des pêcheurs et un kayakiste. "Filmés" de dos ou sur un plan éloigné leur visage n’apparaît pas et leur rôle dans la gestion de la rivière non plus. Ils ne  font qu’en profiter.

Enfin, dans "l’Eau potable" apparaissent un homme prenant sa douche, un couple prenant un verre d’eau et une jeune fille se brossant les dents. Cette fois-ci les figurants ont des visages et deux d’entre eux interagissent avec River Jack. Pourtant, là encore, ils ne sont représentés que comme des consommateurs passifs.

Certes, tout réside encore dans la définition des objectifs pédagogiques et dans l’utilisation de ce qui n’est après tout qu’un support comme tant d’autres. S’il se donne simplement pour but de démontrer sur papier le cycle de l’eau, il peut toujours être prétexte à un élargissement du débat si le maître d’école choisit d’aller plus loin mais il est toutefois regrettable de se limiter ainsi, surtout lorsque l’on a choisi un vecteur si original, ou du moins si inhabituel, si je puis dire, dans nos rivières ! Je pense en effet que l’on serait en droit d’attendre d’un document largement diffusé dans les écoles une sollicitation civique – ne serait-ce qu’indirecte – du public, en dessinant par exemple des usagers installant des économiseurs d’eau dans leur cuisine ou la vie dans une ferme spécialement aménagée. C’est le cas dans d’autres documents[3]. Ne doit-on pas habituer les jeunes générations et même les adultes à une action personnelle ? Le fait de visualiser des comportements sur un document pourrait je le pense favoriser un processus d’imitation. La démarche est d’ailleurs faite dans d’autres documents. Alors pourquoi pas dans celui-ci ? River Jack me semble donc sur ce point plus informatif qu’éducatif.

Cette exclusion du public pour autant ne me surprend pas vraiment car je la met en relation, à tort ou à raison, avec le choix du personnage vecteur référent. En effet qu’est ce qui caractérise un héros ?

Historiquement, les héros, en particulier lorsqu’ils sont surhumains, apparaissent toujours en période de crise ou d’incertitude sociale. Liés à la catharsis, ils offrent la vision idéale et rassurante d’un individu vertueux luttant contre l’adversité. Ils évoluent avec les époques, chacune d’entre elle ayant apparemment besoin de héros.

Si à l’époque classique seuls les dieux et les monstres légendaires pouvaient constituer leurs terrains de chasse privilégiés, ils sont aujourd’hui remplacés par les catastrophes naturelles et les monstres venus de planètes lointaines. En réalité, les héros qu’ils soient grecs ou post-modernes ne font jamais que lutter virtuellement et en nos lieux et place contre l’inconnu et la peur qu’il engendre : peur d’un régime politique, peur d’une violence exacerbée, peur de nos propres faiblesses, peur de l’autre, peur de ce qui nous dépasse, peur des éléments  mais également peur d’un progrès que l’on a parfois du mal à maîtriser.

Jadis, les héros pourfendaient les dragons et délivraient les princesses, aujourd’hui les hommes savent que les dragons du passé ont tous été occis par leur technologie mais qu’ils doivent en revanche en essuyer le revers de médaille : cette même technologie qui les met à l’abri de leurs peurs les plus ancestrales (du moins le croiront-ils) est capable de détruire jusqu’à leur propre milieu. Aussi va t’elle leur suggérer de nouvelles inconnues et les forcer à se remettre en question. Les héros vont donc devoir s’adapter et entre deux monstres extraterrestres et trois complots des services les plus secrets, se heurter aux dérapages de l’évolution et aux représentations du progrès. Il est réconfortant d’aller au cinéma ou d’acheter un livre et de savoir que quelqu’un veille ainsi sur nous, qu’il y aura bien un auteur pour dénoncer au travers d’un film, d’un ouvrage ou bien d’une chanson toute ces choses qui nous oppriment mais qui nous concernent d’abord et avant tout.

Le héros, semble toujours servir à concrétiser à notre avantage une extériorisation par rapport à un problème donné, et cela, parce que ça nous arrange. Aussi me semble t’il préférable dans le cas d’un problème non fictif comme celui de la nécessaire éducation du public au respect de l’eau de ne l’en pas mêler. L’extériorisation étant ici un frein à la culture de l’eau, elle est donc à bannir absolument.

Ce qu’il faut, me semble t’il, enseigner à ce public c’est d’abord et avant tout que chacun de nous est un élément partie prenante de la niche écologique et qu’il est naturel d’agir de façon compatible avec ses rythmes de fonctionnement. A y regarder de près cela n’a rien de bien héroïque. C’est un comportement qui devrait toucher à la banalité.

Aussi eût-il été selon moi préférable d’illustrer le document par des individus les plus banals possibles et surtout actifs car le problème de l’eau étant bien réel et bien humain, il demande avant tout une réaction personnelle.

J’aurais à la limite préféré que River Jack soit un cow-boy ou mieux encore, un bonhomme anonyme comme vous et moi qui nous raconte l’eau parce qu’il a choisi de la connaître. Le processus d’imitation aurait alors pu porter sur un vecteur réaliste et crédible. L’idéal aurait même été une flopée d’anonymes et si possible interagissant. Le document n’en aurait pas nécessairement été moins ludique.

L’Agence RMC est également à l’origine depuis 1999 de "La rivière m’a dit" dossier pédagogique présenté sous forme de kit et préparé par la Fédération Rhône-Alpes de Préservation de la Nature (FRAPNA) en collaboration avec Elf, Unigestion Holding et Alp Action. Il comprend un certain nombre de livrets pédagogiques ainsi que quelques instruments d’observation. Son utilisation peut permettre de faire ressortir les liens étroits entre l’eau, la vie aquatique, la faune et la flore des rivières :

La plaquette "Etangs et lacs" présente à partir d’un magnifique poster et de sa légende un classement des différentes espèces florales et fauniques par habitat. Alimentation, modes de vie, reproduction sont méticuleusement décrits, souvent avec humour, et abondamment illustrés. Un avertissement précise en début d’ouvrage que des milieux différents étant reproduits sur le même poster, certaines espèces représentées n’ont pas dans la réalité l’occasion de se rencontrer.

Un document équivalent a été produit relativement au milieu marin en méditerranée.

"Découvre la rivière et son milieu" et "Découvre la vie de la rivière" ont été réalisés par le Conseil Supérieur de la Pêche en collaboration avec Pêcheur de France et EDF. Ils présentent eux aussi un descriptif des espèces par zonage, chaque thème étant abordé sur une double page, l’illustration dans la partie haute, l’explication dans la partie basse. Les dessins sont réalistes, les textes clairs et aérés, l’ensemble d’une belle présentation.

"Raconte-moi l’eau" fait partie d’une collection qui entend répondre aux interrogations citoyennes. Edité par les Editions Nouvelle arche de Noé, il est le résultat d’un partenariat entre le Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement et les Agences de l’Eau. Il a été publié à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau du 22 mars 1999.

Faisant une synthèse de la problématique de l’eau au plan culturel, historique, scientifique, sanitaire et géostratégique, il est imprimé sur papier glacé, abondamment illustré de dessins et de photographies, aéré et luxueux.


[1] Je tiens à préciser que je n’entends par là rien de péjoratif.

[2] Et imprimé sur papier recyclé.

[3] Notamment dans ceux édités par la Ville de Lorient sur laquelle je reviendrai dans mon troisième chapitre.

 

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