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Version Conférence Tout Savoir en une seule page !
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2/ La question agricole. De par ses caractéristiques intrinsèques le monde agricole se présente comme un véritable labyrinthe formé de diversités locales, culturelles, mais aussi humaines et caractérielles. Les termes de "pédagogie" ou d’"éducation" me semblent ici inadaptés. L’activité agricole possède touche en effet à l’affectif. Elle se relie à un savoir ancestral, à une pratique traditionnelle, mais aussi à un patrimoine régional. Elle est en elle-même une culture et la confrontation entre celle-ci et de nouvelles habitudes, fussent-elles le fruit de réflexions poussées, ne manque pas de susciter incompréhension de part et d’autre. Par conséquent réduire la question agricole au seul problème de l’usage de l’eau ou de sa pollution est à mon sens une erreur fondamentale. Restreindre les agriculteurs à la seule image des irrigants néglige l’aspect patrimonial de leur activité et ne peut qu’isoler celle-ci du reste de la collectivité. C’est là une conception qu’il nous faudrait abandonner dans l’intérêt de tous. L’univers rural et forestier recouvre d’une part une large partie du territoire et joue un rôle important dans le transport et la conservation de l’eau. C’est le cas dans la région PACA où les canaux d’irrigation font quasiment partie de l’écosystème. De plus, si les pratiques de cet univers lui viennent d’un savoir traditionnel il n’en est pas pour autant déconnecté d’avec le monde non-agricole - ou du moins ne doit pas l'être. Il ne faut donc pas le ranger à part, mais au contraire l’y relier et démontrer à l’un comme à l’autre l’existence de ces liens. Voilà une approche systémique ! Une chose qui paraît en revanche essentielle est de territorialiser la "question agricole". Les pratiques d’irrigation, pour autant qu’elles soient séculaires, diffèrent d’une région à une autre, de la même façon que l’écosystème sur lequel elles ont cours. Une obligation tout aussi impérative est ici plus qu’ailleurs d’adapter le discours "pédagogique" à son destinataire. Ce public, rappelons-le, est détenteur d’un savoir-héritage, est émotionnellement et professionnellement attaché à sa terre, possède une fierté proverbiale, et voit sa vie quotidienne réglée selon un rythme qui lui est bien personnel. Il n’est donc pas d’un abord facile pour le non-initié, d’autant qu’il a aussi ses idées reçues. Toute la question est ici d’établir avec lui une relation de proximité. Or, cela implique de la part du "pédagogue" de faire un effort de mise à niveau. Il ne s’agit pas pour lui de se positionner comme celui qui sait et qui s’adresse à celui qui ne sait pas, et moins encore de recourir à un discours ou à une attitude formelle, c’est à dire à une attitude "de bureau". Il peut être plus judicieux de sa part de se rendre en soirée chez son interlocuteur, armé de tout son temps, de toute sa bonne humeur, et d’un soutien… de type œnologique, plutôt que de convoquer celui-ci à une assemblée se tenant à 10 h du matin. Certes cela fait sourire le citadin, mais c’est là une réalité. Aussi l’agriculteur irriguant acceptera t’il plus facilement la parole d’un pair que celle d’un intervenant extérieur. Cela est d’autant plus vrai que ce pair sera souvent quelqu’un qui maîtrisera un savoir nouveau parce qu’il l’aura lui-même testé sur sa propre exploitation, le risque ainsi couru et les résultats ainsi obtenus faisant gage de crédibilité. Toute démarche d’éducation suppose donc une implication de toute la profession, en particulier un travail au niveau des regroupements associatifs et syndicaux. De même, une "éducation" de l’irriguant ne peut être que bien spécifique à la profession. Elle doit comporter un volet technique car la gestion rationnelle de l’eau passe avant tout par l’installation d’un équipement adapté au territoire et à la culture concernée, mais doit aussi prendre en compte le fait que l’installation d’un équipement doit s’intégrer dans une véritable stratégie de projet tenant compte des perspectives du marché. C’est là un point qu’il convient de ne pas oublier lorsque l’on entend débattre de la problématique agricole. La contrainte comptable est une réalité pour tout secteur de production et le comportement de l’agriculteur est-il lui aussi et bien naturellement dicté par des impératifs de gestion. C’est sans doute à cause de ces raisons que l’éducation du public au respect de l’eau devient à l’égard du public agricole une démarche de conseil et d’appui technique. Schématiquement il est possible de la présenter en distinguant le conseil lié à l’équipement et celui lié au pilotage de l’irrigation. Le conseil lié à l’équipement concerne d’abord l’assistance de l’irriguant dans les démarches administratives et techniques qu’il lui incombe d’accomplir lorsqu’il décide de se doter d’une nouvelle ressource (forage ou mise en place d’une réserve d’eau). Il concerne également une assistance au choix de l’équipement proprement dit. Il s’agit ici d’une étude visant à rechercher le matériel en correspondance optimale avec les capacités de la ressource et le parcellaire à irriguer. Ce type de conseil est apporté par les conseillers machinistes des Chambres ou de façon directe par les concessionnaires de matériel. Il est strictement individuel et se prolonge par une assistance au diagnostic des installations. Un système de subvention et d’agrément favorise la promotion du matériel le plus efficient en terme de consommation. Le conseil lié au pilotage d’irrigation vise quant à lui à aider l’irriguant à déterminer les périodes et la fréquence de ses irrigations, ainsi qu’à en prévoir le dosage. Les actions de masses sont ici les plus courantes. Elles consistent d’abord en des avertissements hebdomadaires donnés par voie de presse spécialisée et relatifs aux données météorologiques nécessaires au pilotage de l’irrigation. S’y adjoint parfois par courrier, fax ou voie de presse un bilan hydrique modélisé par cas types (de sols, de coefficients culturaux…) détaillant de façon théorique les besoins en eau pour chaque plan considéré. Ce type de conseil est généralement accompli par les techniciens des Chambres d’Agriculture en collaboration avec Météofrance, avec des instituts techniques et avec des irrigants. D’autres actions concernent en revanche un conseil de groupe : elles s’adressent cette fois-ci à un ensemble plus restreint d’irriguants (entre 40 et 140) et impliquent leurs destinataires dans l’élaboration du conseil par un système d’échange de données entre les deux pôles. Des bilans hydriques sont établis à partir de sites témoins ou de parcelles de références et sont transmis par divers moyens, notamment télématiques. Le procédé permet un conseil personnalisé et le calage d’une stratégie d’irrigation sur un exemple type. Les organismes produisant ce type de conseil sont la plupart du temps des groupements d’agriculteurs (Coopératives par exemple) le suivi technique étant confié à des ingénieurs agronomes. Même si elles favorisent la diffusion d’une connaissance de la ressource et de sa gestion rationnelle, la plupart de ces actions de conseil ne peuvent, on le voit très bien, difficilement être assimilées à une démarche pédagogique. D’autres actions se rapprochent cependant de l’éducation grand public en ce qu’elles concernent l’édition de brochures et des actions de formation. Les actions de formation sont aléatoirement réparties sur le territoire, elles sont majoritairement mises en œuvre par les chambres d’agriculture en collaboration avec des partenaires techniques, instituts, agriculteurs ou syndicats. Elles sont généralement destinées aux nouveaux irrigants, certaines étant pour eux une obligation. Ces formations concernent généralement la connaissance de la ressource ainsi que la réglementation et le pilotage. Un volet économique s’y joint lorsque les stagiaires ont un projet d’irrigation. Se déroulant en salle elles se composent d’exposés et de démonstration d’outils, le but étant pour les formateurs de lutter contre le pilotage d’habitude. Des brochures techniques sont également employées en appui à ses formations. Elles sont généralement coproduites par de multiples organismes. Spontanément adressées à l’irrigant ou bien à sa demande, elles lui sont couramment fournies soit par l’organisme éditeur soit par son groupement. L’Enseignement agricole intègre quant à lui la gestion rationnelle de la ressource dans le contenu de ses programmes et évoque le respect de l’eau dans le cadre de l’agriculture durable. Il s’efforce de veiller à l’équilibre entre formation théorique et apprentissage en situation. Un enseignement spécialisé peut en terminale comporter un volet concernant la protection de la ressource qualitativement et quantitativement.
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