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2 / Une anticipation sur l’avenir et une évolution progressive

J’attribue le développement des classes d’eau dans notre pays à la conjonction d’une logique d’action qui se veut préventive, et d’une évolution récente et progressive de nos conceptions de l’Enseignement : le souhait d’y intégrer l’éducation à l’environnement.

Selon M. Paul-Louis Tenaillon, Président de la Commission communication de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, "sensibiliser les jeunes à l’environnement est d’une importance primordiale. Les classes d’eau prouvent combien les enfants sont réceptifs quand on leur montre du doigt les problèmes, et leur promptitude à assimiler la gravité des situations fait rêver". M. Daniel Méraud, Président du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP) souligne quant à lui qu’ils sont "particulièrement réceptifs" et "encore susceptibles de perdre leurs mauvaises habitudes, ces gestes irréfléchis dont on ne mesure pas les conséquences dans le domaine de l’eau". Il ajoute que "les enfants sont des messagers merveilleux. Leur faire comprendre que l’eau n’est pas intarissable est donc un enjeu colossal pour faire passer également cette réalité auprès de leurs parents".

Lors du Congrès international de Kaslik (Liban) de 1998, M. César Nasr, ancien Ministre de l’Environnement libanais disait qu’il fallait "amener les jeunes à comprendre que l’eau fait partie intégrante de leur vie, qu’il faut la protéger, la défendre, la partager, bref s’ouvrir à un civisme authentique". Il définissait cette démarche comme celle d’une "œuvre d’éducation patiente, appropriée, qui puisse les doter d’attitudes et de comportements en rupture complète avec les habitudes d’une société victime d’un développement sauvage".

L’idée on le voit, est bien celle d’un travail sur le long terme. Comme le dit M. Méraud "Si dans 20 ans ne serait-ce qu’un élève par classe d’eau se rappelle que cet élément vital est une ressource fragile, et garde une attitude critique par rapport à son propre comportement, si ce souvenir l’engage à exiger de la collectivité qu’elle prenne les mesures qui s’imposent pour protéger ce patrimoine, ce sera la preuve que les classes d’eau sont une véritable réussite".

Lors d’une discussion que j’ai eue avec M. Michel Ducrocq, directeur du CEMAGREF d’Aix en Provence, celui-ci me confia qu’il pensait qu’un tel travail n’aboutirait probablement pas avant trois générations (soit 90 ans) et il me semble que cette prévision soit tout à fait justifiée. Si l’on souhaite créer dans l’esprit de nos concitoyens une "culture de l’eau" pour reprendre les propos tenus lors du congrès de 1998 il ne s’agit pas moins que de générer un changement effectif des comportements à tous les niveaux, puis de remplacer ces derniers par de nouvelles habitudes. Ce n’est pas tant in fine d’aboutir à une réflexion précédant systématiquement l’action (je fais ici allusion à l’individu landa et non à l’acteur décideur) mais d’aboutir à une attitude qui nous paraîtra alors tout à fait naturelle. C’est là ma conception du challenge. Ma bien jeune et modeste expérience de la vie et la lecture d’ouvrages de techniques de communication interpersonnelle et de psychologie sociale, lectures que j’ai pu faire à l’occasion de mes recherches mais également je ne m’en cacherai pas pour mon propre plaisir, m’ont amené à penser que ce ne sont pas nos idées qui font nos comportements mais bien plutôt le contraire. Mais il n’est pas encore le moment de vous en parler car il nous faut revenir aux classes d’eau.

Vingt années ou quatre-vingt-dix… Ce ne serait pas tellement surprenant lorsque l’on considère que l’enseignement de l’environnement à l’école correspondit lui-même en France à une intégration très progressive de la problématique écologique au sein de l’Education nationale.

C’est dans les années soixante-dix que le terme d’écologie atteint en France le grand public. Considérée jusque là comme une discipline scientifique elle devient désormais courant d’idées, mouvement social et pour certains, un véritable mode de vie. Se faisant surtout connaître par sa critique du nucléaire et des dérives de la société industrielle, elle fait naître la conscience de l’existence d’une "Terre finie" et de la nécessité d’une économie en cohérence avec le milieu naturel. Elle fait également son apparition sur la scène politique.

Devant la nécessité d’opérer un changement des mentalités au bénéfice des générations à venir les responsables vont tourner leurs efforts sur la jeunesse. L’éducation relative à l’environnement va alors faire ses premiers pas. L’éducation au respect de l’eau correspondant à un aspect spécifique de la problématique apparaîtra progressivement au fur et à mesure que l’intérêt s’en fera sentir.

C’est au XVIème siècle au travers Montaigne et Rabelais que se forgent les principes philosophiques de l’éducation relative à l’environnement, les enfants étant invités dans leurs écrits à "visiter" et à "apprendre" ces arbres, plantes et hommes qui les entourent. Locke et Condillac affirmant par la suite que les idées sont issues des choses et qu’elles parviennent à l’entendement par le canal des sens, se développe l’idée d’une pédagogie intuitive puis celle d’un enseignement par l’aspect, la "leçon de choses".

L’Ecole Nouvelle fait valoir au début du XXème siècle que l’étude du milieu permet à l’enfant d’acquérir des connaissances factuelles mais également d’ouvrir son esprit aux connaissances générales, et même de structurer son esprit. Piaget précisera que cette construction se fait par accommodation et par assimilation.

Cette étude du milieu va devenir après la seconde guerre mondiale la référence pédagogique novatrice par excellence, suivant en cela les initiatives d’associations et de mouvements tels que le scoutisme. Si l’on s’en tient plutôt pour l’instant à une éducation par l’environnement, l’évolution vers une éducation à fins de préservation se fera au travers de sa prise en charge institutionnelle, dans les années soixante-dix.

Le premier protocole d’action entre le ministère français de l’Education nationale et celui chargé de l’Environnement est signé le 2 novembre 1971. Affirmant la volonté de montrer aux jeunes "le degré de responsabilité qu’ils peuvent avoir, ou pourront avoir, sur le milieu naturel, et plus généralement sur l’environnement", il intègre la préoccupation écologique dans les programmes scolaires afin de fournir aux élèves "une culture générale" de l’environnement.

La Commission de l’environnement du Ministère de l’Education, créée en janvier 1977, prendra un certain nombre de mesures favorables à cette politique, telle la facilitation des sorties sur le terrain, la formation des enseignants et la création de documents pédagogiques à l’attention du public scolaire. Un certain nombre d’instructions et de circulaires ministérielles complèteront ce dispositif[1].

C’est surtout la circulaire du 1er avril 1971 qui marque la naissance en France de l’éducation à l’environnement en décidant d’intégrer l’étude de celui-ci au niveau disciplinaire comme interdisciplinaire. L’accent est – déjà – mis sur "la prise de conscience de la place de l’homme dans la biosphère" et du besoin de "développer chez les élèves le sens de leurs responsabilités personnelles, d’hommes et de futurs citoyens".

"L’Instruction générale sur l’éducation des élèves en matière d’environnement" publiée  le 29 août 1977 va structurer et coordonner ses diverses évolutions. Elle met en avant la nécessité d’un apprentissage rationnel du milieu naturel au travers d’une découverte concrète et d’un projet interdisciplinaire. Elle prévoit aussi l’élaboration d’une documentation pédagogique pratique et régionale adressée aux enseignants, ainsi qu’une collaboration entre les centres régionaux et départementaux de documentation pédagogiques et les organismes concernés par l’environnement : Parcs naturels, Agences Financières de Bassins, Ateliers d’Urbanismes…

A cette première base va s’ajouter le 15 février 1983 un nouveau protocole interministériel. Renforçant les aspects logistiques des politiques précédentes – organisation des sorties, formation des enseignants – il se prononce également en faveur du développement de projets d’actions éducative.

Une nouvelle actualisation du protocole se fait le 14 janvier 1993, elle intègre alors les apports de la Conférence de Rio. Le nouveau texte prévoit de développer chez les élèves les notions de valeur de l’environnement, de civisme, de responsabilité et de solidarité à son égard.

Patrimoine humain rejoint patrimoine naturel, sensibilisation à de nouveaux comportements rejoint apprentissage des connaissances, vision globale et interdépendance entre humain et nature, puis entre humain et humain font leur apparition.

C’est à partir de ce cadre qu’il est possible à l’eau de s’infiltrer dans les salles de classes. Lors du Congrès international de Kaslik, M. Michel Auriault, Inspecteur Pédagogique Régional en Sciences de la Vie et de la Terre de l’Académie d’Aix Marseille a défini trois objectifs de nature à développer une culture de l’eau par l’enseignement scolaire :

Selon lui, l’Ecole doit tout d’abord faire acquérir des connaissances concernant les ressources, les usages, la pollution et la protection de l’eau ; elle doit ensuite faire acquérir des gestes et des réflexes concernant les utilisations économes et la sauvegarde de la qualité de l’eau ; elle doit enfin faire acquérir des comportements individuels et collectifs responsables et respectueux d’une eau protégée et partagée.

Il souligne que dans de nombreux pays l’application des programmes et textes réglementaires visant à rationaliser l’usage de l’eau se heurte souvent à des pratiques séculaires et traditionnelles, ce qui ne manque pas d’aboutir à leur rejet. De même en est-il des technologies d’économies. Seules des explications simples, répétées et adaptées au public peuvent favoriser la compréhension et l’ouverture d’esprit nécessaires à un changement des habitudes. Les deux seules structures susceptibles de poursuivre naturellement une démarche éducative sont à priori l’école et la famille, mais cette dernière étant gardienne de la tradition n’est pas la plus à même de remplir ce rôle en la matière.

Il n’en est pas de même de l’école qui se voit au contraire juridiquement confier par la société la responsabilité de l’éducation de sa jeunesse et présente l’avantage d’être ouverte à tous et de disposer de ressources pédagogiques importantes, à la fois humaines et matérielles.

Mais si cette école se doit d’apporter à l’enfant les connaissances théoriques de base concernant la ressource, M. Auriault ajoute qu’elle se doit également d’ancrer ce savoir dans des pratiques quotidiennes, en enseignant à l’enfant les gestes simples et concrets de son usage rationnel et de sa protection. Elle doit même le placer en situation d’agir en dehors de la salle de classe et le rendre acteur d’opérations sur le terrain. Un premier intérêt est ici d’apporter à l’enfant un enseignement informel, basé sur des observations et des activités concrètes et donc beaucoup plus motivantes que la réflexion abstraite. Un deuxième intérêt est d’ouvrir l’école sur le monde extérieur – en particulier sur celui du travail – par la sollicitation de partenaires intervenants.

Comme le souligne encore M. Auriault l’enfant est plus éducable que l’adulte car son esprit n’est pas encombré d’idées reçues souvent très difficiles à remettre en cause, et parce qu’il manifeste d’autre part une attitude naturelle de curiosité et d’intérêt pour ce qui l’entoure. Cela tient en effet à sa nature et à son développement.

C’est entre l’âge d’un an et de deux ans que l’enfant découvre les objets et leurs fonctions. Il devient sensible aux matières et aux matériaux. Ses possibilités physiques comme intellectuelles encore limitées, tournent sa curiosité grandissante vers la recherche de l’activité manuelle et linguistique.

S’il reste fondamentalement individualiste entre deux et six ans, il admet toutefois sa jonction à de petits groupes sécurisants pour un laps de temps limité. Il établit les relations de cause à effet et ses activités manuelles, si elles ne sont pas trop techniques, font appel à ses nouvelles facultés d’appréciation des matériaux et du matériel. Il découvre le pouvoir des mots et apprend à les utiliser.

De six à neufs ans l’enfant découvre la logique et certaines réalités de la vie. Il se socialise et comprend la nécessité de certaines règles de vie. Il se met à affectionner les jeux d’équipe et peut exprimer son habileté au travers des ateliers manuels les plus divers. Il peut aussi commencer à participer à des discussions réfléchies en relation avec ses activités.

De neufs à onze ans se développent sa volonté et sa capacité à construire, à fabriquer. Il peut travailler en équipe sans difficulté et ses connaissances se développent considérablement.

De douze à quinze ans le pré-adolescent s’oriente vers l’invention et les réalisations techniques, et allie création à recherche esthétique. Son intelligence et son raisonnement sont critiques. Il découvre le monde et exprime des choix, il a besoin d’explications et de responsabilisation[2]. Ses ateliers demandent technique, réalisme, concret, ses jeux tactique et complexité. Il se penche sur les problèmes humains et sociaux, il poursuit enquêtes et recherches documentaires.

Les différentes recherches et observations scientifiques conduisent également à penser que le développement émotionnel, affectif, relationnel et cognitif de l’enfant repose sur le développement de cinq compétences-socles :

L’attention visuelle soutenue qui est la capacité de fixer son regard sur celui d’autrui, sur son visage, sur son comportement avec les autres, et de décoder ses émotions et ses intentions. Appliqué aux objets, cette faculté permet à l’enfant de les identifier par leurs caractéristiques et leurs fonctions ;

L’élan à l’interaction, c’est à dire les processus de réduction de distance et de création du contact en tant que mode communicationnel ;

Les comportements affiliatifs, traduisant l’adhésion au comportement du partenaire et autorisant les relations durables et structurées. Ils fondent les processus de socialisation ;

L’organisation structurée et ciblée du geste et notamment la préhension et la manipulation ;

L’imitation des actes, discours et conduites d’autrui.

Ces différentes phases et caractéristiques du développement de l’enfant justifient une pédagogie environnementale se basant sur les jeunes générations et notamment l’idée de leur enseigner une culture de l’eau, en particulier à l’école.


[1] Dans leur ouvrage "Eduquer à l’environnement" Pierre Giolitto et Maryse Clary citent la Circulaire du 26 juin 1972 pour l’école maternelle, les Contenus de formation à l’école élémentaire pour le cycle préparatoire de 1977, le cycle élémentaire de 1978, le cycle moyen de 1980 ainsi que les nouveaux programmes de sciences humaines pour le premier cycle du second degré 1977-1978.

De même plus tard un certain nombre de textes viendront-ils préciser les mesures prévues par les protocoles phares, telle par exemple la circulaire de 1982 sur les classes de découvertes. Rebaptisées "classes d’environnement" en 1993 elles constitueront les premières expériences – pour ainsi dire – "de terrain" de l’éducation à l’environnement.

[2] Il a également besoin de réconfort et de sécurisation. J’en profite pour signaler, mais mes lecteurs l’auront certainement compris, que je ne m’appesantis ici que sur les facultés intellectuelles, physiques et manuelles de l’enfant dans la mesure où elles sont directement en relation avec les diverses méthodes pédagogiques qui auront tout intérêt à s’appuyer sur elles, et que j’occulte volontairement le développement émotionnel de l’enfant (stade oral, découverte de son corps, affirmation par le "non", découverte de sa sexualité…). Cela ne signifie pas que je considère qu’il ne faille en tenir compte dans la démarche éducative. Bien au contraire. Cependant il me semble qu’il apparaîtra moins clairement dans les activités d’ERE, sauf lorsque celles-ci seront adressées à un public "difficile", cas dans lequel toute activité éducative (cela dépasse l’ERE) devra cette fois-ci à mon sens être de prime abord basée sur une réflexion intégrant en tout premier lieu cette donnée. Ce n’est plus tout à fait de l’animation classique.

 

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