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Exposé Intégral |
3 / Le Protocole "Seine-Normandie" Si chaque enseignant peut de sa propre initiative regrouper plusieurs de ses collègues pour organiser une session de classe d’eau il existe un module de formation adaptable à tous les niveaux scolaires, de la maternelle à la terminale, ainsi qu’à de nombreux niveaux universitaires ou professionnels. Ce module appelé "classe d’eau" est une conception de M. Claude Salvetti, ingénieur à l’Agence de l’Eau Seine-Normandie. Conçu en 1987 il fut d’abord éprouvé par des classes de quatrième. Ce module se décline en trois pôles complémentaires articulés autour d’une semaine : des rencontres et des entretiens avec des professionnels de l’eau, des élus, des agriculteurs, des industriels, des pêcheurs… ; des ateliers thématiques organisés par l’équipe enseignante habituelle et devant déboucher sur une production collective et interdisciplinaire (exposition, spectacle, journal… ). Il s’agit là de travailler à partir du caractère transdisciplinaire de l’eau (l’eau en littérature, en mathématique, en physique, en langues… ) ; enfin des visites sur sites. Il peut s’agir ici aussi bien d’une station de pompage que d’une caserne de pompier ou d’une écluse. L’idée n’est pas pour l’Agence de l’Eau de remplacer les enseignants mais bien au contraire de leur donner l’occasion de s’impliquer personnellement dans la création de la session en organisant eux-mêmes sa tenue et sa teneur. Ils conservent ainsi leur rôle en amenant la connaissance à l’enfant et dans l’école. L’initiative de créer une classe d’eau peut d’ailleurs s’intégrer à un Projet d’Action Educative. Au fil du temps et des applications du module initial se sont développées deux types de classes d’eau : les classes rôdées et modélisées depuis longtemps par l’Agence, et les classes expérimentales prototypes. Tout groupe ayant dans le cadre de ses fonctions un rapport particulier à l’eau peut en demander la fourniture. Mais il ne s’agit pas là d’un service clé en main car l’Agence ne fait que conseiller et financer. Elle apporte une aide à la conception personnalisée, fournissant documentation et livre de bord. Elle n’intervient éventuellement durant la classe qu’en tant qu’actrice de l’eau et au même titre que les autres intervenants. Elle n’organise pas la session. De même accorde t’elle pour le déroulement de chaque classe hors prototype une subvention forfaitaire de 3600 f, soit la moitié de la dépense couramment mise en jeu. Cela permet de couvrir les frais de transport sur site, la reproduction de documents, l’achat éventuel de fournitures. Lorsqu’elle est amenée à gérer directement une session (cas des prototypes) les aspects financiers font alors l’objet d’une convention avec l’établissement. Il en est de même lorsque l’Agence délègue cette gestion à des partenaires qui deviennent cette fois-ci ses cocontractants. Qu’il s’agisse de rectorats, de collectivités territoriales, de syndicats de communes, de distributeurs d’eau ou d’associations, ces partenaires auront pour tâche dans la limite d’un quota de proposer la tenue de sessions aux établissements scolaires ou de répondre à leur demande. Ils versent alors à leur interlocuteur la subvention de l’Agence et la complètent par eux-mêmes. La condition sine qua non de l’organisation d’une classe d’eau et de son bon déroulement est la motivation du chef d’établissement, qu’il s’agisse d’un directeur d’école, de celui d’un Institut Universitaire de Formation des Maîtres, d’un principal de collège ou d’un proviseur. L’initiative découlera aussi bien d’un enseignant que de la direction. Ce qui est ici essentiel à retenir c’est que c’est bien à l’établissement et à son personnel qu’incombe la responsabilité de mettre le projet en œuvre. Il doit tout d’abord présenter à l’Agence un programme détaillé de la session projetée, document démontrant qu’il a bien pris tous les contacts et rendez-vous nécessaires à sa mise en œuvre. Il est donc impératif que se forme au sein de l’équipe enseignante une dynamique d’initiative et de réflexion créative, elle se traduira le plus souvent par des heures supplémentaires. Si le projet correspond aux critères du module l’Agence ou son délégataire donne alors son aval et octroie la subvention. Il est alors temps de procéder à la préparation proprement dite, en terme de mobilisation humaine et logistique. Compte tenu des autorisations appropriées et du nombre d’intervenants à joindre, l’Agence conseille à ses interlocuteurs d’entamer ces démarches trois mois avant la date prévue pour le début de session. Elle leur suggère également de s’assurer que leurs intervenants sachent s’abstraire de leur vocabulaire technique. Comme je l’ai dit plus haut l’Agence remet à l’équipe enseignante un livre de bord type comprenant à la fois des explications sur l’eau et des espaces à remplir par son détenteur. L’organisateur a pour tâche de s’en inspirer pour en créer un exemplaire adapté à sa classe, exemplaire dont il pourra éventuellement se servir pour fournir un compte-rendu d’opération. Prenant les formes les plus diverses les réalisations des élèves et des enseignants seront quant à elles valorisées par une présentation publique – aux parents, aux élus et à la presse – et par la remise à la classe d’un diplôme officiel. Le fait que la classe d’eau dure une semaine[1] crée une dynamique se répercutant sur tout l’établissement. Il permet à une même équipe de professeurs de construire un projet interdisciplinaire et à chacun d’eux d’assister, voire de participer, à l’atelier de ses collègues, de participer aux sorties et d’assister aux interventions. Le bouleversement d’emploi du temps favorise quant à lui l’établissement de relations plus conviviales entre élèves et professeurs, et même entre professeurs, lesquels abordant un thème transversal, sont amenés à travailler en équipe. Mme Danielle Brient qui accueillit le premier prototype de l’Agence dans son collège de Pithiviers en 1987 affirme avoir senti dès sa présentation que "cette initiative de l’Agence de l’Eau était de nature à réveiller un établissement qui avait tendance à s’endormir". Elle rapporte également que l’événement dépassa même le cadre du collège et mît en fête toute la commune. Elle ajoute enfin que l’opération valorisa l’image de l’établissement dans la mesure où les interventions extérieures et les sorties sur sites démontraient aux parents, aux élus, et bien sûr aux élèves l’intérêt que ces acteurs de l’eau pouvaient avoir pour leur collège. Mais ce qui importe pour M. Claude Salvetti c’est "le réel enthousiasme" et "la réelle capacité" du partenaire "à remuer ciel et terre dans sa structure pour qu’un prototype puisse aboutir". Aussi les classes d’eau se sont-elles progressivement étendues à des publics plus larges : tout d’abord à de futurs enseignants, suite à l’initiative en 1994 de deux professeurs de l’IUFM de Cergy-Pontoise, puis à des pharmaciens d’officine en 1995, aux élèves de l’Etablissement Régional d’Enseignement Adapté de Paris Belleville, et enfin à des PME-PMI en 1996. En 1997 vingt infirmières en milieu scolaire et universitaire de l’Académie de Paris suivirent à la Sorbonne une "classe eau et santé". Une expérience fut également tentée avec des élus en 1997 à la demande d’un Syndicat Intercommunal d’Aménagement de l’Oise amont. L’Agence organisa intégralement cette formation au titre d’une classe d’eau expérimentale réunissant à l’occasion de la Semaine de la Ville de Guise (Aisne) des élus belges et français appartenant au même bassin versant. Politiques, usages, similitudes et différences des organisations respectives y furent abordées par des spécialistes de chaque pays, programme qui fut complété des traditionnelles sorties sur sites. Cette classe d’élus favorisa selon M. Gabriel Provoost, Président du Syndicat, l’instauration d’une confiance réciproque et d’une dynamique de collaboration entre les communes réunies. Elle permit de développer par delà la frontière géographique une prise de conscience de la solidarité des uns et des autres, demeurant tous sur le même bassin versant, et notamment la compréhension qu’une pollution rejetée en amont pouvait causer des effets jusque loin en aval. Et M. Provoost d’ajouter que les élus y gagnèrent en termes de crédibilité auprès de leur électorat. Il souligne qu’un élu doit aujourd’hui savoir décider vite, qu’il n’a plus le droit à l’erreur, et que, concernant l’eau beaucoup n’y sont pas préparés. Selon les chiffres de l’Agence Seine-Normandie les classes d’eau sont passées de 2 en 1987 à 25 en 1988, puis à 300 en 1990 pour atteindre 515 en 1995 et 645 en 1997 ce qui représenta pour cette année 19000 élèves. L’investissement pour y parvenir ne s’éleva qu’à 2,7 millions de francs. Les sommes engagées dans la seule agglomération parisienne pour retirer de la Seine pas moins de 2000 tonnes de détritus urbains représentèrent pour cette même année 97 un total de 5 millions de francs. L’équipe de M. Salvetti m’apprit par téléphone que 700 classes supplémentaires avaient été organisées en 1999 et qu’elles s’élèveront à environ 800 sessions pour l’année 2000. Il semble que la progression se fasse donc lentement et sur un rythme régulier. L’expérience n’a en revanche pu être exportée aux autres bassins versants, les agences concernées n’ayant pas souhaité adhérer au projet. Il existe cependant dans toutes les académies un certain nombre de classes d’eau, mais leur structure n’étant pas aussi bien charpentée, elles ne rassemblent généralement que quatre ou cinq professeurs, scientifiques pour la plupart. De ce type d’approche, deux choses sont surtout à retenir : les classes d’eau créent une dynamique d’implication personnelle ; elles cassent également le rythme scolaire traditionnel. [1] Pour les classes de maternelle la durée est de deux semaines car il faut tenir compte de la sieste de l’après midi. Le programme y est plus axé sur la découverte sensitive et corporelle. Les enfants apprennent également à parler, chanter et dessiner le vocabulaire de l’eau, ses bruits, ses usages, ses animaux.
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