Pour une éducation du public au respect de l'eau
 

Accueil

Exposé Intégral

Version Conférence

Tout Savoir en une seule page !

Qui suis-je ?

Ecrivez moi

Plan du site

Liens

 

4 / Ne pas donner de poisson à Chang

Nous venons de voir que l’Agence pour autant qu’elle apporte conseil à la conception du programme et financement partiel laisse toutefois dans la plupart des cas à l’établissement scolaire et à ses enseignants le soin d’élaborer celui-ci et de faire les démarches nécessaires à sa concrétisation. Elle ne soutient même le projet que dans la seule mesure où celui-ci est compatible avec ses critères de sélection. Une mauvaise langue pourrait dire qu’elle donne aux professeurs des devoirs à faire à la maison, le compte-rendu de fin de session équivalant au contrôle de fin d’année !

Je trouve néanmoins ce procédé très brillant car il renvoie l’interlocuteur à son problème[1] et présente par là un avantage majeur : celui de stimuler sa créativité et son initiative. Tout le monde connaît le célèbre proverbe chinois "Donne un poisson à Chang tu le nourriras une journée, apprend-lui à pêcher tu le nourriras toute sa vie" mais d’un point de vue pédagogique ce n’est tout de même pas la même chose que de prendre notre ami Chang par le bras et de lui montrer comment s’y prendre pour convaincre un poisson affamé, que de lui demander "Comment comptes-tu t’y prendre pour convaincre le poisson ?". Dans le premier cas, notre ami sera passif et la relation éducative linéaire et verticale, dans le second notre ami sera actif car renvoyé à son problème, il sera poussé à la réflexion, commencera par envisager, proposer, recherchera ce dont il a besoin et finalement agira par lui-même. Après je suppose que c’est une question de temps mais que mathématiquement il finira bien par tomber sur un poisson aventureux ou sur un poisson aventurier n’éprouvant pas d’aversion pour le risque. Comme nous ne sommes pas cruels envers nos amis nous irons tout de même lui donner un coup de main et lui prodiguer  quelques conseils mais si notre ami réussit dans son entreprise, son repas lui paraîtra d’autant plus savoureux qu’il le devra surtout à lui-même. Il aura acquis un savoir-faire mais également un savoir-être car en dépassant sa passivité, c’est à dire sa peur de l’échec, il aura appris à réussir en se posant les bonnes questions et en mettant les choses dans l’ordre. Nous aurons fait bien plus que de le nourrir toute sa vie. Quoi qu’il en soit le fond du problème de notre ami Chang est qu’à un moment ou à un autre, s’il veut obtenir quelque chose, il a des décisions à prendre et des actions à engager. Il a un pas à franchir et ce qui fera qu’il le franchira ou ne le franchira pas n’appartient qu’à lui : c’est sa motivation. C’est d’elle que viendra la décision et c’est de cette dernière que suivra le reste. Car il est un autre proverbe de l’Empire Céleste : "Je puis t’amener à la rivière, mais je ne puis boire à ta place". 

Dans la situation de notre ami, attendu qu’il y va de sa survie, besoin dit primaire, je ne me fais pas trop de souci pour sa capacité à se débrouiller et je ne dirais pas que son engagement est très fort. Mais s’il était question pour lui de mettre en œuvre une classe d’eau, besoin secondaire, nous pourrions dire que son engagement est fort et sa motivation sérieuse s’il se mettait bien à remuer ciel et terre. Nous pourrions donc miser sur sa réussite et lui donner quelques conseils pédagogiques qui ne seraient probablement pas dispersés au quatre vents. Je pense que c’est le raisonnement tenu par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie et il me paraît être un raisonnement de "professionnel". 

L’équipe enseignante est donc ici dans la situation de notre ami Chang, elle est aidée et conseillée, mais néanmoins pas assistée Elle est donc obligée d’assumer une organisation collective dont elle n’a pas l’habitude et d’adapter son mode de travail à un contexte et à un sujet d’étude différents. Je suis d’ailleurs convaincu qu’elle s’y attèle de bon cœur car fait ainsi la preuve de sa motivation et de son respect des élèves, et comme le précisent les documents de l’Agence conserve ainsi son rôle de vecteur de connaissances. Je ne pense d’ailleurs pas que des professeurs admettraient qu’une structure extérieure à l’Education nationale décide à leur place de l’organisation d’un enseignement. Cela est plus ou moins légitime mais peut se comprendre.

Cette démarche est également des plus pragmatiques car les maîtres sont bien les mieux placés pour connaître le niveau de connaissances de leurs élèves et partant définir pré-requis et objectifs pédagogiques. De même sont-ils les mieux en mesure de coordonner les interventions extérieures afin d’éviter les répétitions et de structurer la semaine de façon cohérente. Ils auront par exemple organisé rendez-vous et sorties de façon à ce que les enfants visitent les installations de distribution et de stockage avant les installations de traitement. Cela n’a l’air de rien mais ce respect de l’ordre des choses ne peut que se répercuter sur le schéma de structuration du savoir de l’enfant et sur son comportement.

Cette implication de l’enseignant ne peut d’ailleurs que favoriser l’estime que l’élève aura de lui et l’établissement de relations plus conviviales et stimulantes entre les deux parties. Les classes d’eau créent une sorte de collaboration entre adultes et enfants et je pense qu’il nous faut se réjouir de cette rencontre. Le fait de sortir du rythme scolaire sans sortir du cadre et d’associer professeur et élèves ; professeur, élève et intervenant extérieur ; et plus largement adulte et non adulte permet d’étendre ce processus de découverte de l’autre à l’extérieur de l’école.

Si l’ensemble de la démarche constitue en lui-même un bouleversement du temps scolaire puisque il induit une concentration totale d’une semaine sur un sujet[2], l’intégration de cet élément extérieur favorise ce changement. L’implication du sujet élève par des ateliers de production et la restitution des acquis sous diverses formes lui permettent quant à elles d’acquérir des connaissances au moyen d’un processus qui lui sera plus personnel et auquel il adhérera d’autant plus volontiers. L’avantage pour lui est qu’il apprendra à apprendre en même temps que ses professeurs qui n’auront plus besoin d’aide l’année suivante. Ce qui me paraît justement très intéressant dans cet apprentissage de l’apprentissage est qu’il se fait à partir d’approches différentes et complémentaires. Qu’elles soient scientifiques, artistiques, ou littéraires, elles sont de nature à induire chez l’apprenant l’idée selon laquelle il ne lui faut pas nécessairement se focaliser sur une méthode pour aborder la résolution d’un problème, mais qu’il peut y parvenir de plusieurs façons. Pour un être humain je trouve cela très enrichissant.

Que dire de plus ? j’ajouterai simplement que le mélange des techniques et des méthodes pédagogiques visuelles, auditives, et kinesthésiques utilisées au travers des activités manuelles et artistiques, mais aussi les sorties sur sites, permettent un enseignement plus "complet" dans la mesure où il s’adresse à l’ensemble de la personne de l’apprenant. Cette pédagogie me paraît intéressante dans l’approche des élèves en difficulté.

Voici à présent une expérience associant apprentissage de l’eau et éveil d’une conscience civique : l’exposition "Eau partagée".


[1] Dans le milieu des affaires commerciales on a coutume de dire que l’art de négocier est celui de savoir renvoyer l’interlocuteur à son problème. En effet l’intention de vendre ou d’acheter procède généralement d’une situation d’inconfort (besoin, manque, nécessité de…). L’acteur concerné a généralement une idée précise du prix qu’il veut obtenir ou de celui qu’il acceptera de verser mais cela n’est pas forcément compatible avec le marché ou avec les desiderata de l’autre partie qui connaît également une situation d’inconfort. Celui qui l’emportera sera celui qui fera admettre à son interlocuteur que ce dernier devra à un moment donné arbitrer entre cet inconfort et le prix sur l’étiquette. Autant dire que le temps règle généralement le problème. L’avantage est que tout ce petit monde réfléchit à la façon de sortir de l’inconfort de la manière la plus avantageuse pour lui-même ou pour les deux. On appelle cela négocier  les paramètres.

[2] Il convient ici de noter que l’eau faisant partie des programmes scolaires des classes concernées, les sessions sont donc précédées d’une première approche et font également l’objet d’un suivi, les deux à un rythme évidemment plus souple. L’intérêt est ici de pouvoir préparer la classe d’eau et de pouvoir l’évaluer par la suite.

 

Précédente                       Table des Matières                       Suivante

Vous êtes un professionnel de l’eau, un professionnel de l’éducation, vous représentez une collectivité, une institution, un Etat, un Royaume, vous recherchez un éducateur, vous voulez monter un programme pédagogique ? Le mener à bien ?

J Ecrivez-moi J