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Exposé Intégral |
D / Une certaine forme de développement touristique L’activité touristique consomme en elle-même une grande partie de la ressource, aussi bien par la pollution qu’elle génère que par les déchets qu’elle produit. Elle l’affecte également par ses activités connexes telles celle du transport. En revanche le milieu naturel constituant la manne de l’industrie touristique, sa dégradation est de nature à mettre celle-ci en péril. L’une des premières victimes du tourisme est la ressource en eau douce, destinée à alimenter hôtels, piscines et terrains de golf. C’est particulièrement inquiétant en Méditerranée où un touriste consomme plus de 200 litres par jour. Cet usage pose des problèmes de choix sociaux et culturels autant que politiques et économiques. S’ajoute à la ponction d’eau sa contamination par les eaux usées et par les sédimentations ou les émissions provenant de chantiers de construction. Le tourisme peut enfin exercer des pressions sur les habitudes sociales et culturelles concernant la préservation des ressources et de l’écosystème. Il peut bouleverser les modes de vie des populations locales, voire compromettre leurs moyens d’existence sans pour autant qu’elles profitent en retour de ses retombées financières. Il peut enfin créer des conflits d’usage et être générateur d’instabilité. Un tourisme respectueux du milieu naturel et s’inscrivant dans le développement durable est cependant parfaitement envisageable lorsqu’il prend en compte la notion de patrimoine local et qu’il fait en sorte de le mettre en valeur et d’en instruire sa clientèle. Dans son sens latin, le patrimoine est le bien d’héritage que l’on tient de ses parents et que l’on transmettra à ses enfants et il faut attendre la Révolution française pour qu’on lui donne un sens nouveau, celui d’un bien collectif. Le 2 octobre 1789 l’Assemblée constituante distribue les biens du Clergé à la disposition de la Nation. Peu à peu la prise de conscience de la nécessité de protéger certaines œuvres, certains objets ou monuments se forge dans la conviction que leur disparition constituerait une perte irréparable pour l’humanité. Le patrimoine vient bientôt s’ajouter à la liste. Ce patrimoine représente l’identité d’un pays, il est archéologique, industriel, urbain, rural, maritime, mais aussi littéraire, cinématographique, photographique, gastronomique… il est la marque harmonique de l’homme sur son milieu, car est-il besoin de le préciser, on entend par patrimoine un héritage positif. Matériel, intellectuel, spirituel, il est d’un intérêt majeur : comme l’écrit Mme Geneviève Martin sur le site ARDECOL, "le critère de protection n’est plus seulement esthétique ; tout ce qui, venant du passé, permet de comprendre le présent mérite notre attention […]. S’engager à protéger le patrimoine, c’est aussi mieux le connaître. L’étude du patrimoine est une clé nécessaire à tous, petits ou grands, pour bâtir ses liens avec l’Histoire, pour passer du statut de simple habitant d’un lieu au statut de citoyen responsable. Mieux comprendre le passé c’est donner un sens au présent". La ressource en eau et l’écosystème aquatique peut être intégré à la notion de patrimoine car ils conditionnent éminemment la vie des groupes humains. L’apprentissage de l’eau devient alors le prétexte, la raison et l’occasion de celui d’une culture. Le projet du Groupement d’émulation de la Vallée de l’Othain (GEVO) d’Azannes (Meuse), "L’eau d’hier à aujourd’hui", peut illustrer cette alliance entre apprentissage du patrimoine et éducation du public au respect de l’eau. Lancé dans le cadre de l’opération "1000 défis pour ma planète" il regroupa sur six mois 40 enfants de 6 à 11 ans ainsi que 60 adolescents de 14 à 18 ans, tous encadrés par les animateurs et bénévoles de l’association. Parrainé par l’Office National de la Chasse (ONC) et par le Syndicat des eaux de Mangiennes il visait à permettre aux jeunes de prendre conscience de l’importance de la gestion de l’eau dans leur vie quotidienne, ce par l’utilisation du pôle culturel des vieux métiers. Le Groupement d’émulation de la Vallée de l’Othain rassemble habituellement plus de 400 bénévoles dont l’objectif est la promotion et la sauvegarde du patrimoine traditionnel de sa région. Gérant un écomusée il organise chaque année une fête des vieux métiers dont le thème retenu en 1994 fut celui de l’eau. A cette occasion les jeunes réalisèrent une animation sur les métiers d’autrefois liés à l’eau (puisatier, porteur d’eau, lavandière…) et la présentèrent aux visiteurs du musée durant l’été 1995. Affiches, plaquettes, brochures, "formes" de poissons et autres documents pédagogiques furent élaborés à destination des élèves visitant le musée dans le cadre des classes vertes. L’originalité du projet était de puiser dans la mémoire des anciens, de retrouver les gestes d’autrefois afin de pouvoir les comparer avec les techniques d’aujourd’hui et de mesurer l’impact des phénomènes de pollution et de gaspillage sur notre vie quotidienne. Mais ce n’était là qu’un projet de type associatif. Or, si les communes d’un "Pays" se regroupent et décident d’élaborer un projet permettant au touriste de rencontrer et de se sensibiliser à la richesse d’une population, à la connaissance de son identité et de son cadre de vie, elles ont une chance de créer un tourisme d’échange et non de consommation. Cela demande une volonté politique, de l’argent, une ouverture d’esprit de part et d’autre, et une concertation entre industriels touristiques et acteurs locaux. La constitution d’aires protégées et surveillées peut constituer une nouvelle ressource pour l’industriel, ressource qu’il peut lui-même financer pour partie. L’éducation au respect de l’eau et de l’écosystème peut alors trouver sa place dans des sentiers d’eau et dans l’addition aux activités d’eaux vives d’un pôle pédagogique. Cela implique une formation de leur personnel d’encadrement. L’intérêt de la démarche réside d’une part dans une plus large diffusion du message pédagogique, mais également dans la rencontre entre culture et loisir. Elle peut amener l’individu à prendre conscience et à choisir de devenir responsable. Mais là encore a t’il besoin d’être éduqué car il lui faut connaître ce qu’il doit apprendre à aimer. Ce type d’évolution semble se faire lentement, l’industrie du tourisme et les acteurs locaux semblant saisir où se trouve leur avantage. Ils paraissent en tous les cas commencer à se regrouper. J’ai eu connaissance d’une telle initiative au cours de mes recherches. Bien que j’ai souhaité en faire mention je ne m’engagerai pas sur sa teneur puisqu’elle n’aura pas encore eu lieu à l’heure où j’écrirai ces lignes. Du 21 au 24 septembre 2000 auront donc lieu à Port de Redon (Morbihan) les deuxièmes Journées du tourisme fluvial et des loisirs d’eau douce : "Côté Rivières". Organisée par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Rennes et sa délégation de Redon, ainsi que divers partenaires[1], la manifestation s’inscrit dans une opération d’envergure comportant colloque professionnel et salon grand public. Une centaine d’exposants sera réunie sur une surface de 6000 m2 et s’attend déjà à recevoir 10000 visiteurs[2]. L’idée est ici de réunir les professionnels du tourisme et des loisirs d’eau douce au cœur même de leur environnement naturel. Avec plus de 700000 utilisateurs de la voie d’eau et 1100 km de rivières et de canaux, le nord-ouest est la troisième région fluviale française. Tous seront présents à l’appel : les constructeurs et revendeurs d’embarcations légères, les spécialistes de la pêche ou de l’accastillage, les loueurs de péniches et de vedettes fluviales, les organisateurs de croisières, les autocaristes, les gestionnaires de ports de plaisance, les associations sportives, les vendeurs d’objets et de vêtements marins, les Pays d’accueil touristiques, les offices et comités du tourisme. Le colloque des 21 et 22 septembre sera réservé aux professionnels et consacré au développement du tourisme fluvial et des loisirs nautiques ou terrestres en lien avec la voie d’eau. Il réunira les principaux acteurs nationaux et régionaux de l’aménagement des voies d’eau et du développement touristique. Il donnera lieu à des échanges entre professionnels et à des rendez-vous d’affaires, mais également à une conférence sur l’offre touristique et à un Atelier Environnement au cours duquel seront abordés la réglementation environnementale et l’aménagement des paysages. Une deuxième conférence présentera le tourisme comme un enjeu économique et un outil d’aménagement du territoire, et plusieurs ateliers regrouperont acteurs de l’industrie touristique et acteurs locaux sur le thème de l’aménagement et de la valorisation des sites et des patrimoines locaux. Le salon prévoit également de nombreuses animations : parades nautiques, promenades fluviales, découverte du vieux Redon, expositions d’aquariums, histoire des voies navigables de la Bretagne, visites de bateaux fluviaux, démonstrations de pêche à la mouche, initiations pour les plus jeunes, et enfin des ateliers-découverte du matelotage, de maquettisme et de fabrication de mouches. Le théâtre de rue et un spectacle son et lumière sur le port animeront les soirées. Il serait intéressant de suivre cette manifestation au fil des ans pour connaître son évolution et savoir s’il en existe d’autres. Je souhaiterais conclure ce deuxième chapitre en y ajoutant quelques réflexions sur la question agricole. [1] Il s’agit de la Région Bretagne, du Conseil général d’Ille et Vilaine, du Pays de Redon, du Pays de la Loire, du Conseil général du Morbihan, de Ouest France et du magazine Fluvial. [2] L’édition 1999 a rassemblé 46 exposants sur 6000 m2 pour un public essentiellement familial et originaire de l’Ouest de 4000 personnes.
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