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Exposé Intégral |
A / Une dimension fondamentale de l’éducation Si l’on ouvre le Petit Larousse 1999 on obtient de l’environnement une définition en trois temps : "ce qui entoure, ce qui constitue le voisinage ; l’ensemble des éléments physiques, chimiques et biologiques, naturels et artificiels, qui entourent un être humain, un animal ou un végétal, ou une espèce ; l’ensemble des éléments objectifs et subjectifs qui constituent le cadre de vie d’un individu". Au travers de cette définition qui n’en est pas une mais trois à la fois l’environnement apparaît posséder plusieurs dimensions : une dimension purement spatiale, une dimension globale, et enfin une dimension sociologique. Chacun de nous se construit en fait sa propre perception de l’environnement. Cette construction se fait à partir de notre vécu, de ceux qui nous entourent, plus largement de notre culture et de notre… éducation. Le professeur Lucie Sauvé, du Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal ( UQAM ) identifie dans son ouvrage "Pour une Education relative à l’environnement" pas moins de sept conceptions de celui-ci : Un "environnement problème" milieu biophysique en proie aux nuisances et aux pollutions les plus diverses. Un "environnement ressource" patrimoine limité pourvoyant à la subsistance de l’homme, à charge pour celui-ci de le bien gérer. Un "environnement nature" entendu ici dans un sens mystique : nature-utérus pour les uns, environnement-cathédrale pour les autres, il est en quelque sorte le Paradis originel dont l’homme s’est coupé et sans lequel il a perdu de sa pureté. Un "environnement global", celui de la biosphère. L’homme doit l’appréhender dans son ensemble, de manière planétaire, car il y va de sa survie. Un "environnement du quotidien" milieu de vie propre à chacun d’entre nous et qu’il nous appartient d’embellir, d’aménager. C’est la dimension qui nous est la plus proche. Un "environnement communautaire", celui de l’homme social. C’est un environnement collectif dont la gestion concerne l’implication de chacun. Ses valeurs sont la solidarité et la démocratie. Enfin un "environnement affectif " plus ou moins proche et profondément subjectif : celui auquel on est affectivement attaché non pas tant pour des raisons tenant à sa "réalité" que pour la représentation que l’on s’en fait. L’éducation quant à elle est définie par notre dictionnaire comme étant l’ "action d’éduquer, de former, d’instruire quelqu’un" mais également "d’initier à un domaine particulier de connaissances". L’action d’éduquer est définie comme celle de "former l’esprit de quelqu’un, développer ses aptitudes intellectuelles, physiques, son sens moral". Le croisement entre éducation et environnement peut de son côté et de façon schématique donner lieu à trois grandes conceptions : une éducation pour l’environnement, une éducation par l’environnement, et une éducation relative ou à l’environnement. La première vise à responsabiliser les individus sur leur environnement au regard de l’avenir. Ici connaissance, gestion et préservation du milieu sont des objectifs à atteindre et doivent être appréhendés comme tels. La deuxième considère l’environnement comme un thème transversal permettant d’aborder divers concepts et de travailler sur différentes matières. Ici le milieu est un moyen, un outil éducatif. L’Education Relative à l’Environnement se veut enfin une démarche mêlant les approches précédentes sans que ni l’une ni l’autre ne soit privilégiée. Elle vise à développer chez les individus un ensemble de savoirs et de comportements propres à assurer leur implication et leur participation efficace à la préservation et à la gestion de l’environnement tout en développant leur intelligence, et en élevant ce que nous pourrions appeler leur noblesse d’esprit. Du premier Colloque international sur l’ERE qui eût lieu à Belgrade en 1975 en vue de créer un Programme International de l’Education à l’environnement (PIEE) pour la période allant de 1975 à 1985 à la Conférence de Tbilissi de 1977, point culminant de ce Programme, il est possible de tirer de l’ERE le portrait suivant : Elle doit tout d’abord considérer son sujet d’étude comme étant à la fois le milieu naturel, mais également celui créé par l’homme, qu’il soit social, économique, technologique, culturel, législatif…, ainsi que les relations entre ces divers éléments, tout cela en ayant pour optique la solution et la prévention des problèmes écologiques. Elle doit ensuite générer une prise de conscience, l’acquisition de connaissances à l’égard de l’environnement et de ses problèmes, le développement d’attitudes et de comportements respectueux à son endroit, l’acquisition de compétences pour la résolution des problèmes, le développement de capacités d’évaluation et enfin la participation individuelle et collective à la solution des problèmes environnementaux. Elle doit être interdisciplinaire et favoriser la compréhension des rapports entre l’être humain, ses pareils, et la nature. Pour Lucie Sauvé elle peut répondre à trois enjeux : A la dégradation de l’environnement physique tout d’abord, qu’il s’agisse de la détérioration des ressources comme de celle de l’écosystème. Poussée à son terme cette dégradation est une menace pour la vie – notamment la nôtre. Sans aller jusque-là, elle constitue d’ores et déjà une menace pour sa qualité. Elle est ensuite concernée par l’aliénation des personnes et des sociétés en regard de leur milieu de vie, c’est à dire cette déconnexion artificielle de l’homme à l’égard des autres éléments de la biosphère. Pressé, stressé l’homo sapiens du 21ème siècle se retrouve entraîné dans la bruyante sarabande d’un monde technologique qu’il ne domine plus et en devient même étranger à ses propres semblables. L’ERE peut l’aider à le recentrer et lui restituer sens du partage et de la responsabilité. Elle peut enfin répondre à une problématique pédagogique, celle des limites de l’enseignement traditionnel. Caractérisé par le cloisonnement interdisciplinaire, le manque d’autonomie de l’apprenant et un relatif isolement de l’école par rapport au milieu, cet enseignement peut apparaître en partie inadapté aux réalités d’aujourd’hui. Lucie Sauvé définit l’éducation relative à l’environnement comme « une dimension intégrante du développement des personnes et des groupes sociaux, qui concerne leur relation à l’environnement. » Elle considère l’existence de trois sphères en interaction à la base du développement de toute personne (Figure 1) : Une sphère personnelle, celle de l’identité, dans laquelle la personne se confronte à elle-même. Elle y apprend à se connaître, à se définir, à entrer en relation avec les autres, à être autonome et responsable. Une sphère de l’altérité dans laquelle la personne rencontre son ou ses semblables. Elle y développe le sentiment d’appartenance au groupe, un sens de la responsabilité et de la solidarité à l’égard de l’autre. Une sphère enfin de la relation au milieu de vie biophysique, sphère avec laquelle elle n’interagit que par l’intermédiaire de la deuxième. Cette troisième sphère est celle d’une autre altérité : elle concerne les relations de la personne avec les autres vivants et les éléments et phénomènes biophysiques des écosystèmes, qu’ils soient d’origine humaine ou naturelle ou bien les deux à la fois – sachant que nature et culture s’interpénètrent. C’est en elle que se développent chez l’individu le sentiment d’appartenir au milieu de vie et les compétences liées à l’engagement qu’il aura vis à vis de lui. Selon Lucie Sauvé on retrouve également dans ce troisième ensemble l’éducation écologique et l’éducation économique, l’une servant à comprendre et à se situer au sein du milieu, l’autre à gérer non pas ce dernier mais nos choix et conduites à son égard. C’est enfin là que se trouverait l’espace de l’éducation relative à l’environnement. Elle n’est donc pas selon Mme Sauvé un simple thème éducatif parmi d’autres mais une dimension fondamentale de l’éducation. Elle ne peut donc se limiter au seul respect de l’environnement ni être seulement considérée comme un instrument du développement durable.
Figure 1 : Les trois sphères inter-reliées du développement personnel et social Document tiré de "Problématique conceptuelle de l’ERE" in "L’Education relative à l’environnement : Entre modernité et post-modernité. Les propositions du développement durable et de l’avenir viable" (1998 – Lucie Sauvé- UQAM) URL : http://www.ec.gc.ca/eco/education/paper1/Paper1d_f.htm
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